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ARNAUD DES PALLIÈRES – CLAIRE JACQUET
DISNEYLAND MON VIEUX PAYS NATAL. ENTRETIEN
2001

DISNEYLAND, MON VIEUX PAYS NATAL (46 MINUTES), ÉCRIT, RÉALISÉ, ET MONTÉ PAR ARNAUD DES PALLIÈRES, MUSIQUE DE MARTIN WHEELER, PRODUCTION : ARTE/LES FILMS D'ICI (2001).
 

 


 

Réalisé dans le cadre d’une commande d’Arte pour la série “Voyages, voyages”, Disneyland, mon vieux pays natal (2001) est le film le plus récent d'Arnaud des Pallières. En prenant pour cadre et pour sujet le parc de loisirs de Disneyland Paris, à Marne-la-Vallée, le cinéaste s’interroge sur les motivations et le destin des 45 000 visiteurs qui convergent chaque jour vers cette même destination. “Que sont-ils devenus ?”, se demande-t-il, “personne n’a l’air de s’en inquiéter”… Et pourtant, c’est l’occasion pour Arnaud des Pallières de rappeler en ouverture l’inquiétante fable du joueur de flûte de Hamelin : l’histoire raconte comment un jeune homme fut appelé, un jour, dans un village infesté de rats. Avec son pipeau, il produisit un son si strident qu’il les fit tous ressortir et les dirigea vers le fleuve où ils se noyèrent. Mais la population ne jugea pas utile de le payer pour une tâche apparemment si facile. Plus tard, l’homme revint avec sa flûte et produisit une mélodie si envoûtante que tous les enfants du village le suivirent jusqu’à une caverne sous la montagne d’où il ne revinrent jamais. Ce conte, livré sans autre résolution, oriente le reste du récit, raconté à la première personne (la voix off est celle de l’auteur). Au répertoire classique de Walt Disney, Arnaud des Pallières superpose d’autres histoires, d’autres mythes, pour s'approprier le lieu et produire un discours disjonctif. Disneyland, mon vieux pays natal, comme ses autres films, puise dans la matière propre au documentaire et dans le commentaire d’une situation (elle-même traversée de citations et d’emprunts plus ou moins révélés ou détournés), déplace le récit dans le champ de la fiction et, par le détour de la fable, entend libérer une “puissance de vérité”. Une méthode de travail que résume Jean-Pierre Rehm : “Jouer ainsi la fiction d’un réel reconstruit contre l’effet de croyance induit par le documentaire, flanqué de son insupportable cortège d’alibis frelatés (…), la construction de l’après-coup contre le supposé vrai du live1.
Arnaud des Pallières donc, au pays de Mickey, adopte les conditions d’un visiteur ordinaire : il s’immerge pareillement dans “l’univers du merveilleux”, rencontre ses semblables, teste les mêmes attractions. Il prend acte des différentes situations proposées, n’aborde pas ses personnages sous l’angle de la caricature ou du burlesque, et multiplie les séquences pour considérer Disneyland, sans ironie, dans sa globalité et sa complexité (monde du spectacle, du travail, du souvenir, du mythe de l’enfance, du rêve et de son aliénation…). Adoptant le même postulat que Georges Perec, lequel affirmait dans les premières lignes de W ou le souvenir d’enfance n’avoir plus de souvenir d’enfance, il s’interroge sur le passé (doit-on pour autant se fabriquer des souvenirs d’enfance ?), reste chevillé au présent et contemple une ville faussement futuriste. En opérant un syncrétisme culturel, la firme Disney réduit les écarts, abolit les distances et brouille les différentes temporalités, offrant un monde d’images prédigérées, “banalisées, routinisées, signes pauvres d’une imagination homogénéisée par les mass media” comme le remarquait déjà Louis Marin en 19732. Un monde qui réconcilie des réalités contradictoires : les maisons XIXe et la fusée spatiale, l’étranger et le familier, la gratuité ludique et l’échange commercial, la réalité adulte et le fantasme enfantin, la toute puissance et la bonne conscience. En réalisant la “perfor-mance” de Disneyland (ce monde où chacun est acteur et spectateur de son propre parcours, récepteur et récitant de la mythologie de Walt Disney), “le visiteur, note encore Louis Marin, réalise l’idéologie de la classe dominante comme le récit mythique instaurateur de la société dans laquelle on vit”3.
Face à ce conditionnement, Arnaud des Pallières comble le déficit des contes vampirisés par la firme, laquelle, selon lui, a “transformé en rêve ce qui avait valeur de cauchemar cathartique”, et en rappelle quelques fantômes qui en ont été évincés (la maladie, la tristesse, la mort…). Son film dresse plus globalement le constat d’un choix de civilisation, en évitant l’écueil d’une critique frontale de la société du spectacle. Sous l’œil de sa caméra, Disneyland se réveille à l’arrivée des premiers visiteurs et s’endort comme la Belle au Bois dormant à leur départ. Dans cette intersection, Arnaud des Pallières produit un défilement d’images dont les variations et les ruptures se calquent sur le chaos urbain (les poussettes arrivent, les barrières se lèvent, les wagonnets s’ébranlent, la parade défile) et rythment la stimulation que l’endroit est censé produire. Dans ce mouvement discontinu, Arnaud des Pallières rapporte à l’écran une saturation de signes qu’il accélère, répète, écrase parfois sans distance, pour pousser à bout la facticité de ce décor de cinéma grandeur nature. Par cette amplification des formes, il met à nu son sujet et fait surgir le vide (la vérité) qu’il dissimulait. Disneyland, filmé en machine “désirante” et consommable, révèle dans le dernier plan son caractère hétéronomique : il ne s’agit en rien d’un royaume autonome, mais d’un monde qui puise hors de lui-même, dans les impulsions et les règles de notre société, les principes de son action. Disneyland n’est qu’une émanation de notre civilisation ; il en reflète les bases politiques, sociales et culturelles. Disneyland est notre pays natal à tous, conclut Arnaud des Pallières, un pays où nous sommes un peu comme des enfants et pris comme des rats, envoûtés par la même musique. Une cité, au terme du film, vidée de ses visiteurs d’un jour, soudain pareille à celle décrite par Jean-Louis Comolli, “une ville des désirs exténués, la ville des robots, des morts vivants (…) qui avoue une sorte d’énergie de la fin, un désespoir actif qui se dépense à refouler la pesanteur de la vie réelle”4. Arnaud des Pallières, réintroduisant cette pesanteur, fait retrouver à Disneyland sa dimension paradoxale : le malaise au cœur du merveilleux.

 

C. J.

 

 

1 Jean-Pierre Rehm, ETC. (Y a-t-il une mort après la vie ?), Point-Ligne-Plan, Paris, février 2000.
2 Louis Marin, “Dégénérescence utopique : Disneyland”,
Utopiques : jeux d’espaces, éditions de Minuit, Paris, 1973, p. 306
3 Ibid., p. 299.
4
Jean-Louis Comolli, Regards sur la ville, en collaboration avec Gérard Althabe, Supplémentaires/éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 1994, p. 25

 

 


 

Claire Jacquet : Quelle est la genèse de la conception de Disneyland mon vieux pays natal ? Quel en a été le point de départ et quelles étaient vos préoccupations intellectuelles par rapport à ce projet ?

Arnaud des Pallières : La genèse du film est étroitement liée au cahier des charges de l'émission “Voyages Voyages” pour la chaîne Arte. Il s'agissait de faire un film documentaire de 45 minutes pour la télévision, en vidéo numérique, sous la forme d'un carnet de voyage éminemment subjectif, fragmenté en plusieurs séquences thématiquement et formellement différenciées, où la voix devait être celle du réalisateur, donc le texte du commentaire forcément conjugué à la première personne et dont enfin le premier geste devait être le choix d'une destination. Mon choix s'est successivement porté sur quatre destinations. La première était Nogent l'Artaud, le village où je vis. Un peu par provocation, par refus d'être pris en flagrant délit de tourisme, autant que par un premier réflexe de méfiance à l'égard de la tentation exotique, et un peu aussi sans doute par paresse (dans ce registre, j'ai un temps songé à faire une manière d'adaptation du fameux Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre). La seconde destination envisagée était Hiroshima. J'aimais la violence faite à l'idée de tourisme qu'il pouvait y avoir à aller tourner un film de vacances à Hiroshima. Ces deux premières idées n'ont pas fait long feu. Elles étaient trop frontalement rebelles au “concept” même de l'émission d'Arte. Vatican a été la troisième idée et la première sur laquelle j'ai vraiment commencé à travailler un peu. Au bout d'un certain temps de recherche, Vatican m'est apparu comme une fausse bonne idée et je l'ai abandonnée car je ne voulais pas entretenir de relation ironique à mon “sujet”. Mais de l'idée de Vatican m'est restée une envie forte, qui était de faire un film sur un lieu qui faisait monde ; un lieu clos, autarcique, un microcosme. Car un lieu qui fait monde possède à mon sens un potentiel métaphorique inépuisable. C'est sans doute là qu'il faut voir la nature du mouvement qui, de Vatican, m'a mené presque naturellement à Disneyland. J'ai plus tard tenté d'en justifier l'intérêt sous la forme d'une note d'intention destinée aux responsables d'Arte. Cette note disait : “Je ne suis pas grand amateur de voyages. Que peut-on aller chercher dans un pays lointain qu’on ne trouverait pas chez soi ? On boit le même Coca-Cola, on fume les mêmes cigarettes, on porte les mêmes vêtements, on voit les mêmes films et pour peu qu’on sache vingt mots d’anglais, on finit toujours par parler la même langue. J’ai réfléchi et je me suis fixé un certain nombre de critères. Premier critère : ne pas aller trop loin. Les voyages coûtent cher et si je vais trop loin il ne restera plus d’argent pour faire le film. Deuxième critère : choisir un pays riche. N’ayant jamais été pauvre, je ne vois pas très bien ce que j’aurais de tellement intéressant à dire sur les pauvres. Et puis s’il y avait un film vraiment intéressant à faire sur les pauvres, ne vaudrait-il pas mieux que ce soit les pauvres eux-mêmes qui le fassent ? Troisième critère : aller dans un pays où je ne serai pas un étranger. Je crois que personne ne peut sincèrement souhaiter être un étranger quelque part (rien qu’en France ou en Allemagne, demandez à un étranger s’il est content d’être un étranger, je ne pense pas que vous rencontrerez beaucoup d’enthousiastes). Quatrième et dernier critère : trouver un endroit que tout le monde connaît et où rien n’est différent.
Une fois ces critères réunis, je n’avais plus vraiment besoin d’un atlas. J’ai choisi le site touristique le plus fréquenté d’Europe et actuellement, le site touristique le plus fréquenté d’Europe, c’est Disneyland Paris. A première vue, ça n’a pas l’air très excitant, mais d’abord je le répète, je n’ai jamais pensé que voyager était excitant et ensuite ça doit être au moins un tout petit peu excitant quand même puisque douze millions de touristes s’y déplacent chaque année. Quatre vingt quinze millions de visiteurs depuis les huit années que cet endroit existe ! Comme si lapopulation française toute entière y était allée une première fois, et qu’ensuite la moitié y était retournée une deuxième fois. Il doit y avoir une raison. J’avoue que s’il n’y avait pas eu le film, je ne serais jamais allé à Disneyland. Mais bon, il y a le film, Disneyland Paris est à peu près ce que j’ai trouvé de plus près de chez moi et quitte à faire un voyage, moi qui n’aime pas les voyages, j’ai trouvé intéressant d’aller dans un endroit où je n’avais pas du tout envie d’aller. Comme enfin je suis décidément plus attaché au film qu’au voyage, j’y vois l’occasion de proposer une vision réaliste de cet étonnant rêve occidental que nous sommes tous (plus ou moins) en train de faire ensemble.

CJ : Pensez-vous vraiment que seuls les pauvres puissent parler des pauvres et faire des films sur eux ? On connaît les réalisations de certaines écoles qui se sont fait une spécialité en ce domaine, mais c’est souvent assez affligeant… Le cinéma n’est-il pas un art qui justement entretient intrinsèquement un rapport avec l’altérité ?

AP : Évidemment, c'est dit un peu vite. Et comme vous, je crois que le cinéma peut tout. Le doute que j'émets là concerne l'exotisme. Et pour moi, la pauvreté est un exotisme. Je sais qu'elle existe, mais franchement, à l'échelle planétaire comme à l'échelle de mon pays, je suis un homme riche. Et quel homme riche sait ce qu'est la pauvreté ? Et aussi que dire des pauvres ? Qu'ils devraient disparaître ? Mais je ne veux la disparition de personne… C'est assez peu marxiste ce que je vais dire, mais les pauvres sont là, les riches sont ici et je ne souhaite aucune égalité. Je souhaite que le mouvement qui va des pauvres aux riches, des riches aux pauvres, subsiste. Que subsiste ce qui fait que des riches deviennent pauvres et que des pauvres deviennent riches. Que subsiste le mouvement de “révolution”. Car qu'est-ce que la révolution si ce n'est l'inversion des rôles ? Reste à savoir si une fois devenu riche, un ancien pauvre nous intéresse toujours… Pour en revenir au passage que vous citez, je dis simplement que je suis scandalisé parce que la pauvreté est un des plus grands filons du cinéma ou de la télévision. Que la plupart des films sur la pauvreté, ou des films de voyages, outre leur indigence formelle, moralement me font vomir. Comme dit Debord : “La pauvreté du sujet n'a d'égale que la pauvreté des moyens”. Filmer des pauvres, ça ne coûte rien et ça rapporte beaucoup. A l'époque où Buñuel (Las Hurdes) et Rossellini (Stromboli) filment les pauvres, ils sont seuls à le faire. De plus, ils prennent bien soin de mettre en scène le geste même qu'ils sont en train d'effectuer. Maintenant, c'est presque toujours fait de façon odieuse. L'autre, c'est le grand alibi du documentaire ! Moi je prétends que la vraie difficulté et la vraie nécessité, en art, c'est essayer déjà d'aller fouiller au fond de ce que nous sommes.

CJ : Disneyland est un film de commande. Quelle a été votre marge de manœuvre ? Quels ont été vos rapports avec la société Disney ? Et plus généralement, comment considérez-vous l’exercice de la commande ?

AP : Le cadre de la commande, en général, mais aussi ici en particulier, tient en un cahier des charges : chronique de voyage privilégiant la subjectivité, avec la voix du réalisateur commentant ses images, fragmentation en séquences et diversité de traitement des séquences. Ces deux derniers points ont été très déterminants pour la forme finale du film. Cela impose une structure (et se faire imposer la structure d'un film est une grande contrainte !) selon un principe qui, pour Arte, doit permettre au spectateur de 19h45 de “rentrer” dans le film à tout moment, même s'il a raté le début. Question d'audimat. C'était sans doute critiquable, mais c'était la règle de départ. Voilà pourquoi il y a cette diversité de séquences : le train, les enfants en poussettes, Dingo, Mickey, les canards, etc., le tout entrecoupé de questions posées au visiteur, en l'occurrence moi, par l'ordinateur au visage androgyne conçu par les techniciens de la société Lucasfilms. Pour moi, ce cahier des charges était à la fois trop vague et trop précis. Mais on ne critique pas un cahier des charges. Ou si on le critique, c'est de l'intérieur, c'est cinématographiquement, en le prenant au mot et en lui renvoyant s'il le faut ses insuffisances ou ses contradictions. C'est d'ailleurs toute la richesse de la situation de commande. Et au fond, je crois qu'il n'y a pas un meilleur cahier des charges qu'un autre. Ils sont tous valables. Ce sont des règles qui induisent des contraintes (thématiques, formelles, structurelles, budgétaires, etc.), c'est-à-dire un ensemble d'arbitraires dont il est inutile de discuter. Si on les discute (dans le vain espoir de grappiller un peu de liberté), c'est au fond qu'on n'aime pas la situation de commande. Les contraintes sont pour moi toujours un réel bonheur, parce que c'est avoir à répondre et se trouver d'emblée pris dans un mouvement dialectique. C'est ne pas avoir à faire le premier pas. Mais pour ça, il faut aimer “servir”, il faut aimer faire plaisir, il faut aimer divertir et ne pas être trop inquiet du désir de “s'exprimer”, d'exprimer son moi. C'est au fond retrouver une certaine notion d'artisanat dans le geste d'art. Si on m'avait dit, à l'époque où j'ai réalisé Drancy Avenir (qui est tout sauf un film de commande), que je ferai quelques années plus tard un film intitulé Disneyland, mon vieux pays natal, j'aurais eu sans doute un peu de mal à le croire. Il n'y a pas plus éloigné de mon univers culturel et formel que ce que représente un lieu, un concept, comme Disneyland. Pourtant, c'est devenu “mon vieux pays natal”… Et c'est la commande qui a permis cela. Je me suis tellement approprié cette chose qui m'était toute inconnue, toute étrangère, que cette chose est devenue un élément de mon intimité la plus intime. Cette chose autour de l'enfance, de la laideur et la tristesse infinies de la fête…
La commande, lorsque les contraintes sont bien formulées au départ et prises au sérieux par l'artiste, renvoie toujours au commanditaire quelque chose de son désir qu'il ne soupçonnait pas, comme elles aident l'artiste, quel qu'il soit, à inventer une forme. Répondre à une commande, c'est trouver la forme qui convient à une situation précise. Les plasticiens connaissent bien ça. Ça aide à ne pas céder aux gestes “naturels”, aux automatismes, aux habitudes. Ça évite de refaire ce qu'on a déjà fait dans un travail précédent. On accepte donc les contraintes là où elles sont inscrites fortement par le commanditaire et on trouve parfois sa liberté là où le commanditaire n'a pas pensé à vous la restreindre. C'est comme un contrat. On ne passe pas en force. Sinon tout le monde est malheureux. La liberté, c'est souvent la solution à laquelle le commanditaire n'a simplement pas pensé. Plus tard, les contraintes imposées par Arte se sont encore doublées des interdits émanant de Disney, avec qui il a bien sûr fallu établir une sorte de contrat, où était stipulé tout ce que je n'avais pas le droit de faire. Mais là, j'ai pu discuter un peu. Négocier. Et là c'était intéressant de négocier, parce que ce n'était pas un cahier des charges, c'était juste un ensemble d'interdits. Une fois ces deux “contrats” signés et acceptés par le producteur et moi, avec Arte, puis avec Disney, j'ai cherché ma liberté dans les trous, là où mes partenaires n'avaient pas pensé à me la restreindre. Si on voit le film aujourd'hui et qu'on épluche scrupuleusement le cahier des charges d'Arte et le contrat passé avec Disney, le film est irréprochable. Les contraintes d'Arte et les interdits de Disney sont respectés. Et c'est une chose à laquelle je tiens beaucoup.

CJ : Dans vos films précédents, vous vous étiez davantage inscrit dans le champ de l’Histoire (La Mémoire d’un ange en 1989, Drancy Avenir en 1996), en évitant de faire des films d’Histoire, et en reconsidérant celle-ci à partir du présent. Avec Disneyland, vous déplacez votre champ d’investigation et de réflexion sans toutefois les abandonner complètement. Vous poursuivez certaines interrogations : l’histoire (initiale qu’est l’enfance) comme expérience réactivée, comment et à partir de quoi s’incarne-t-elle ? Comment s’affronte-t-elle aux conditionnements sociétaux ? Comment l’histoire s’écrit-elle toujours du point de vue dominant et ici, de manière flagrante, par une multinationale du divertissement ?

AP : Même si je crois qu'il n'est plus maintenant au fond qu'une scorie du XXe siècle, Disneyland a été, et est encore, un phénomène massif de notre histoire occidentale – et donc mondiale, puisque l'Occident est désormais devenu l'unique modèle du monde. Disneyland est une des grandes utopies politiques du XXe siècle, et c'est en ce sens qu'il me semble qu'il n'y a pas moins d'Histoire (avec ce grand “H” que vous employez) dans Disneyland, mon vieux pays natal que dans La Mémoire d'un ange ou dans Drancy Avenir. Le grand projet de la firme Disney a été de faire de l'enfant un interlocuteur de marché émancipé. Ce qu'on appelle un consommateur. En colonisant la littérature traditionnelle pour enfants, en tentant à toute force de désactiver la violence archaïque des contes de fées, la firme Disney a transformé en rêve ce qui avait valeur de cauchemar cathartique. Dans mon film, je ne fais que libérer quelques monstres, la maladie, la tristesse, le suicide, la mort, afin de leur permettre, le temps d'un récit, de revenir sur les lieux d'où ils ont été chassés. C'est un petit travail de justicier, de “libérateur”. Libérer les prisonniers, rapatrier les expatriés, comme on veut… Mais la véritable noirceur du film est dans cet aveu : Disneyland est ce qu'il est, mais, et quoiqu'il m'en coûte, il est tout de même “mon vieux pays natal”, à moi, et à des millions d'enfants depuis le début des années 1960. C'est le constat de quelqu'un à qui l'idée de l'enfance qui a été proposée, c'est Mickey la souris. Et, quand on y pense, c'est un constat plutôt sinistre.

CJ : Quels étaient ces “interstices” de liberté dont vous parlez, laissés par Disney ? Qu’est-ce que n’a pas su contrôler Disney ? J'ai l’impression que le monde de Disney se résume davantage à des “personnages” et non à des “histoires”. Finalement Disney se désintéresse du récit, du langage et c’est peut-être à cet endroit qu’ils n'ont pas su contrôler votre film…

AP : Voici principalement quels étaient ces interdits : interdit de filmer les coulisses ; interdit de filmer “de très gros plans des parties du visage des personnages Disney” ; interdit de filmer les personnages autrement qu'en représentation dans le parc. N'ayant pas eu un instant l'intention de faire une critique de type journalistique, je n'ai pas du tout été gêné par l'impossibilité de filmer les coulisses. Bien au contraire, c'est le spectacle, le “rêve” tel qu'il est proposé, que je voulais filmer, tel qu'il est vu par chaque visiteur. Je voulais jouer le jeu que Disneyland propose. J'ai été en revanche un peu plus gêné par l'impossibilité de filmer de très près les visages des personnages en peluche parce que je savais qu'il y avait là de très belles choses à faire. Vous voyez que j'ai eu au fond une grande liberté. Liberté que nous nous sommes “fabriquée”, avec la directrice de production, en “exigeant” de Disney la “lettre-accord” dont je vous ai parlé, de façon à pouvoir refuser absolument tout droit de regard a posteriori de la part de Disney sur le film une fois fait. Il y avait un contrat a priori, mais nul droit de regard a posteriori. Nous avons dû batailler ferme pour obtenir cela, mais nous savions que c'était la seule possibilité. C'est intéressant car c'est l'artiste, au fond, qui est seul à posséder “l'ima-gination technique” nécessaire à l'invention des solutions pour contourner les interdits. Les gens de Disneyland n'avaient, je crois, absolument pas prévu un film comme celui que j'ai fait. Ils n'avaient sans doute pas la culture suffisante pour le prévoir. Il n'y avait donc pas des “interstices de liberté” comme vous dites mais une véritable béance de liberté, laissée par Disney. Voyez par exemple que toutes les restrictions ne portent que sur l'image. Aucune ne porte sur le son. Aucune ne porte sur le texte. Aucune ne porte sur le rapport texte/son/image. Or c'est exactement là, à ce point précis des “rapports”, que je travaille. Là où le texte, le son, contredisent, ou gangrènent l'image. Car il n'y a pas, à proprement parler, de “critique” du système Disney dans mon film. Il y a plutôt, comme je vous l'ai déjà dit, la contamination d'un rêve organisé par une petite tendance au cauchemar. Cette même “petite tendance au cauchemar”, propre à l'enfance, qui fait voir des monstres dans les moulures du plafond…
Je suis d'accord avec vous quand vous dites que Disney s'intéresse peu aux histoires. Chez Disney l'histoire “porte”. Elle n'est là que pour porter. Elle est méprisée. C'est une esclave. Elle est là pour porter des figures, des icônes. Disney est un monde d'icônes. Pas d'histoires. Parce que prêter une histoire à Dingo, lui prêter une voix, une syntaxe, une langue, c'est réduire ses possibilités de marché. C'est véritablement le tuer, en termes de marché. Dans le parc, les personnages ne parlent pas. Ils sont muets. Ça déroute d'ailleurs beaucoup les enfants qui viennent pour la première fois. C'est un monde du silence. Un silence terrible. Et c'est pour ça qu'ils mettent tellement de musique, très forte, tout le temps. Parce que le silence des personnages est proprement terrifiant. Comme un monde larvaire, sans langue et sans histoire. Et savez-vous pourquoi les personnages ne parlent pas ? Parce que, malheureusement pour Disney, tout le monde ne parle pas américain. Et qu'un petit italien qui entendrait Dingo parler en français comprendrait que Dingo n'est pas Dingo. Qu'il n'est pas “son Dingo”, le seul Dingo, l'unique, celui dont le petit enfant italien connaît la voix depuis toujours. Parce que Disney pense que les enfants pensent que le Dingo en peluche qui leur tend la main est “le” Dingo. Disney croit ça. Vraiment. J'ai parlé avec eux et c'est vraiment ce qu'ils croient. Vous vous rendez compte ? Ils prennent vraiment les enfants pour des imbéciles ! Les enfants savent très bien qu'il y a un homme dans ce costume (la preuve, il paraît que beaucoup d'enfants les piquent à travers le costume avec des aiguilles pour voir leurs réactions). Ils savent très bien que cet homme est un employé, qu'il est payé pour faire ce travail et qu'il a certainement, comme tous les employés, des problèmes d'employé. Un patron, un salaire trop bas, des conditions de travail trop dures et tout un tas d'autres problèmes de travail.

CJ : Disneyland n’aurait-il pas réussi son voyage de l’enfance, en rendant possible le retour du refoulé, retrouver ses peurs d’enfant, la tristesse des promesses non tenues des fées, le souvenir d’objets aliénants ou celui d'une liberté entravée ?

AP : Sincèrement je ne crois pas. Toute “fête” payante, organisée, programmée, produit ça d'elle même. Tout ce qui lie l'idée de “faire la fête” à l'idée de payer pour ça. C'est le phénomène profondément angoissant du taximètre. Car il renvoie à la mort. Le taxi roule, c'est agréable, je me rapproche sans fatigue de ma destination, mais le temps passe, il faudra bientôt payer. Il faudra payer pour ce plaisir. Comme pour la mort. C'est avec la mort qu'on paiera nos plaisirs. Le plaisir s'en trouve à la fois augmenté, et empoisonné. L'idée que Disney se fait de l'enfance, c'est la gaieté, l'insouciance, l'évasion. Ce à quoi Disneyland me renvoie, c'est la tristesse, la dépression, la mort. Je ne pense pas que Disney revendique ça. Je me souviens être allé, enfant, avec ma grand-mère, voir un assez médiocre mais assez “beau” film hollywoodien en Technicolor (Voyage au centre de la terre), et que ce film m'avait terrifié. Pendant tout le film, je me suis laissé terrifier. Lorsque les lumières se sont rallumées, ma grand-mère m'a demandé si le film m'avait plu. J'ai alors osé lui avouer que je n'y avais pris aucun plaisir, tellement j'avais été terrifié (rétrospectivement, je suis moins sûr d'y avoir pris peu de plaisir, grâce à la terreur, justement). Ma grand-mère, vraisemblablement culpabilisée, m'a demandé alors pourquoi je ne lui avais pas demandé de sortir. J'ai répondu que je croyais que nous n'en avions pas le droit. Que puisque nous avions payé, nous devions voir le film jusqu'au bout. J'ai vu beaucoup d'enfants à Disneyland à qui je pourrais prêter ce genre de pensées. Ils avaient l'air sombres, concentrés, fatigués. Pas du tout gais et insouciants. Pas du tout rieurs. Disneyland coûte cher. Très cher. Les enfants le savent (ils savent tout, et particulièrement ce qui concerne l'argent). Mais peut-être avez-vous raison, dans un sens. Car si, comme vous dites, Disneyland a réussi son voyage “de” l'enfance, c'est en ce qu'il est un lieu pour adultes nostalgiques d'une certaine idée “inaccomplie” de l'enfance, et non un lieu pour les enfants. Pour beaucoup d'adultes, venir là avec des enfants est un prétexte. Disneyland est fait pour les adultes. Je suis convaincu, profondément convaincu, que pour les enfants, Disneyland est toujours une grande déception. Toujours. Et que s'ils ne le disent pas, c'est parce qu'ils ont conscience de ce que ça a coûté à leurs parents. Et qu'ils ont peur de leur faire de la peine.

CJ : Disney se donne comme le monde du merveilleux et vous vous immergez dans cet univers en produisant des images très séduisantes. Il me semble que la vidéo et le traitement que vous en faites (les plans, les répétitions, la séquence quasi féerique de “la maison du désir”…)participe à enrichir et à redoubler cette dimension fantastique de Disneyland ; vous n'avez pas cherché à enlaidir l'image mais plutôt à la rapprocher de celle d'un rêve, dont vous dites que nous sommes tous en train de le faire éveillés… En revanche, vous confrontez ces images (à certains endroits très tristes) à un texte, qui au fil des fables, se charge en faits noirs et accablants...

AP : Je ne crois pas qu'on enlaidisse ou qu'on embellisse. La laideur, la beauté, ne sont pas des décisions d'art. Serge Daney dit quelque part que la beauté n'est qu'une conséquence “naturelle” de la recherche de la vérité. Dire d'une image qu'elle est belle, ou laide, c'est une prise de position de qui le dit. Pour ma part, en ce qui concerne les images que je considère comme “réussies” de ce film, j'assume, je crois, tout autant leur laideur que leur beauté. Disons qu'à travers leur laideur, nous acceptons de percevoir une certaine beauté. Objectivement, je pourrais affirmer que les objets que j'ai filmés à Disneyland sont plutôt d'une certaine laideur. Mais à y regarder de plus près (par exemple en gros, très gros plan ; ou bien dans l'insistance, mot que Gertrude Stein préférait à celui de “répétition”), il n'est pas impossible d'y trouver certaines qualités plastiques… Dans Disneyland, j'ai essayé de me confronter au plastique… Pas à la beauté plastique, plutôt à la beauté du plastique. Ce film est mon “chant du styrène”. A tout point de vue, il s'agit d'un film synthétique, d'un film de synthèse. Le plastique est toute la perspective esthétique de ce film. Impossible, en le faisant, de ne pas penser à Warhol. Quand je bois un Coca-Cola, je pense à Warhol. Quand je filme un Mickey à Disneyland, à qui d'autre puis-je penser ? Beauté ? Laideur ? Disneyland est au-delà de ces catégories. Nous, enfants de Disneyland, il nous faut décidément inventer d'autres catégories. De même, lorsque vous parlez d'images tristes… Je ne vois pas une image de ce film qui soit triste. Les images de ce film sont objectives, elles ne sont pas tristes. Aucune image de ce film, sans le son, ne provoque le moindre sentiment. Le sentiment, je crois, ne vient jamais que de la confrontation d'une image et d'un son (dont, éventuellement, un texte). Il n'y a pas d'image triste.

CJ : Vous avez choisi de travailler en son indirect, et de ne pas rapporter de témoignages. Vous ne parlez pas non plus à la place des enfants, ni des enfants eux-mêmes. Votre film ressemble à une prise d’otages où l’expérience et le déploiement de la parole s’annulent face au matraquage des images, et pourtant, ce film est loin d’être aphone… Pouvez-vous nous parler de votre travail d’écriture, de l’usage du son indirect et du récit que vous mettez en place et qui réactive des figures, familières ou non à l’univers de Disney ?

AP : Je n'ai pas choisi de ne pas travailler en son direct. Il se trouve qu'il n'existe pas un centimètre carré du territoire de Disneyland qui ne soit en permanence saturé de musique à très haut volume. Ces musiques étant toutes strictement copyrightées, la moindre minute de son direct revenait trop cher. De plus, la présence de ces musiques au montage final auraient assuré à la société Disney un droit de regard “artistique” sur le film. Et cette dernière éventualité était pour moi inacceptable. La recréation de l'espace sonore a posteriori s'est donc imposée très vite. Martin Wheeler a tout conçu. Les transformations de ma voix. La musique. Les ambiances. Tout l'espace sonore du film – devenant ainsi d'une rare homogénéité – a alors fortement concouru à renforcer le caractère subjectif du film (d'où l'inutilité de faire parler des enfants, ou de prétendre parler à leur place…), son aspect voyage mental, cauchemar éveillé, mais aussi son caractère “synthétique”. Tout est faux dans ce film. Tout est fictif. Les récits, les personnages, les décors, les ambiances, les sons ; avec tous ces objets préfabriqués, usinés, synthétiques, j'ai tenté de constituer un objet vrai. Encore une fois, c'est le respect d'une contrainte objective qui m'a donné la liberté de chercher une forme adaptée à la situation.

CJ : Le dernier plan fait suite à une succession de plans serrés et animés et dévoile l’artère principale de Disneyland, calme et vide, en travelling avant et arrière. Cette rue est à la fois un axe et un espace, un centre et un vecteur ; tendue entre le passé et l’avenir, elle unit et divise. Pouvez-vous nous parler de ce plan final ? Y a-t-il, dans ce plan, des références à vos films antérieurs ou à d’autres œuvres cinématographiques ?

AP : Des références volontaires, non. En général, j'essaie plutôt d'éviter des figures que j'ai déjà travaillées ailleurs. Mais certains motifs reviennent souvent sans qu'il soit toujours possible de leur barrer la route. Et maintenant que vous le dites, il y a effectivement des figures équivalentes dans La Mémoire d'un ange (travelling sur le sol fendillé de la rue Émile Richard), ou dans Drancy Avenir (plan séquence de la séparation des wagons sur la butte de triage). Et je remarque qu'à chaque fois, ces plans appartiennent à la séquence finale de chaque film… Ce sont des plans d'adieu. Pour en revenir au plan final de Disneyland, il me paraît intéressant de préciser qu'au milieu de cette “Main Street”, de cette rue principale de Disneyland, on voit des rails de tramway. Au loin, au fond, la combinaison de la gare du petit train à vapeur et de l'hôtel Disneyland, géométriquement, m'évoque vaguement l'arrivée à Auschwitz dans Nuit et Brouillard, image qu'on retrouve en affiche de Shoah, je crois. Peut-être à cela que vous faites allusion ?

CJ : Je pensais effectivement à la rue Émile Richard dans La Mémoire d’un ange, qui coupe en deux un cimetière et sépare un monde de morts, et à ceux sur la Shoah, mais je trouvais le parallèle sans doute trop audacieux pour le formuler. Qu’est-ce que ce rapprochement vous évoque plus précisément ?AP : Le principe de Disneyland est “concentrationnaire”. Concentration des loisirs. Concentration des familles. Historiquement, les premiers “concentration camps” ont été inventés par les Anglais lors de la guerre des Boers vers 1905. Le but était de créer des prisons élargies, des “camps”, où les familles étaient regroupées. En plus des hommes, on y mettait les femmes, les vieillards et les enfants. C'étaient des camps pour les familles. Et ça, je crois, c'était nouveau, et c'est devenu par la suite un fait d'histoire véritablement propre au XXe siècle.
En faisant mon film sur Disneyland, j'ai été frappé par plusieurs “coïncidences”. Tout d'abord : la ligne de R.E.R. qu'on emprunte pour aller à Disneyland, en partant de Paris, est exactement parallèle à la ligne de chemin de fer que les trains de déportés empruntaient pour les camps de l'Est. De Paris, pour aller à Disneyland, on va droit vers l'Est. Entre 1950 et 1955, c'est-à-dire quelque cinq ou dix ans à peine après que le monde entier a découvert l'existence des camps de concentration et d'extermination nazis, Walt Disney a, et met au point, l'idée absolument “innocente” d'un gigantesque “camp de loisir” (il ne le formule pas ainsi, bien sûr). Il y a là, à mon sens, rien moins qu'une véritable “coïncidence historique”, si on prend au sérieux l'affirmation selon laquelle le XXe siècle est le siècle de l'invention des camps. Perec voit le rapport entre l'apologie du corps et sa destruction, entre les jeux olympiques et les camps. Un peu comme le rapport d'un positif à un négatif (nul sens moral dans l'emploi de ces mots). Ce même rapport positif/négatif existe ce me semble entre Disneyland et les camps. Ce qui ne veut bien sûr pas dire que Disneyland est un camp de concentration. Je dirais même le contraire. Car Disneyland, en même temps, peut apparaître comme le déni des camps, comme l'expression d'un monde qui tente, frénétiquement, d'oublier, mais que la figure du camp hante et surdétermine malgré tout absolument. Plus Disneyland se veut un monde clos, protégé, un monde totalement innocent, à la frontière duquel les lois du monde s'arrêtent, plus il est irrémédiablement traversé par tout ce qu'il prétend fuir. C'est ce que vous appelez plus haut, je crois, le retour du refoulé. Disneyland a mis en place un dispositif qui m'apparaît à cet endroit absolument saturé de lapsus. Là où Disneyland m'apparaît comme un monde envahi par les fantômes de la culpabilité, c'est précisément, exactement, là où il aura, à toute force, prétendu pouvoir se constituer dans une innocence politique et historique. Disneyland repose sur l'inconscience grave qu'il y a à se croire exempt de l'histoire sur un simple coup de baguette magique. Certaines images comme celle de Mickey en habit, embrassant une petite fille aux nattes blondes… Pardonnez-moi car je sens bien que j'hallucine… Mais je ne peux m'empêcher de voir Hitler dans ce même habit qu'il portait lorsqu'il n'était encore que le premier chancelier de l'Allemagne, embrassant des petites tyroliennes aux bras chargés de fleurs…
Alors, que ce dernier plan du film puisse évoquer l'arrivée à Auschwitz, je ne l'ai pas vraiment fait exprès, mais je ne peux pas le nier.

CJ : Ce dernier plan énonce notre filiation indéfectible avec Disneyland, qu’il représente le monde tel qu’il est, qu’il incarne la logique marchande qui gouverne le monde, mais aussi nos rêves et nos désirs. Nous sommes tous des enfants américains, dites-vous en substance… Y a-t-il quand même un acte de résistance de votre part à penser cela ?

AP : Un acte de résistance… je ne sais pas. Une violence, certainement.

 

 


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TROUBLE 1, 2002

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