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THOMAS HIRSCHHORN – FRANÇOIS PIRON
NE PAS S'ÉCONOMISER. CONVERSATION
2001

 

 


 

François Piron : Parlons du projet Public Works - The Bridge, que tu as réalisé en 2000 dans le cadre de l'exposition Protest and Survive à la Whitechapel Art Gallery de Londres. Tu as construit un pont reliant la galerie d'art qui t'invitait à une librairie anarchiste, Freedom Bookshop, se trouvant à l'étage d'un bâtiment contigu, de l'autre côté d'une petite impasse. Quelle a été la réaction de ces militants politiques radicaux à une proposition émanant d'un artiste mais aussi d'une institution ?

 

Thomas Hirschhorn : Il y a eu des réactions positives et négatives. D’une part, les militants bénévoles qui travaillaient dans la librairie Freedom ont très bien accueilli Public Works - The Bridge, parce que cela créait une ouverture, un passage. Pendant cette exposition, il y avait beaucoup plus de visiteurs que d’habitude dans leur librairie. Même si le Freedom Bookshop ne fonctionne pas par rapport à un chiffre d’affaires, ils étaient contents d’avoir des visiteurs et de discuter avec des gens qui s’intéressaient à leurs idées. D’autre part, il y avait des interrogations et des critiques par rapport à mon projet venues des anarchistes qui ne travaillaient pas à la librairie mais qui ont une pensée et une activité développées de l’anarchisme. Se lier avec une galerie d'art municipale, qui est une institution, était problématique pour eux. Et être reliés ainsi au travail de certains artistes auxquels ils étaient parfois hostiles était inacceptable. Pour ma part, j'ai fait Public Works - The Bridge avec la volonté de relier et de confronter des mondes qui n'ont rien à voir ensemble, et qui sont mêmes opposés. Les personnes impliquées étaient engagées, ils n’étaient pas indifférents, ils étaient critiques, et quelques-uns se sentaient liés physiquement à quelque chose contre lequel ils luttent théoriquement. Au début, la Whitechapel Art Gallery n'a pas fait preuve d’un grand enthousiasme pour mon projet, car l'accès via le pont au Freedom Bookshop ne se faisait pas directement depuis les salles d'exposition, mais depuis la cafétéria qui est gérée de façon indépendante et dont l'objectif est de vendre des boissons et des gâteaux. Le gérant de la caféteria a dû sacrifier une table pour l’emplacement du pont, et il n'était donc pas très favorable à mon projet, mais grâce à l’appui des curateurs, l’institution était prête à assumer la construction du pont. Public Works - The Bridge était une expérience. Pendant le vernissage, il s’est produit un incident révélateur. La Whitechapel Art Gallery est une galerie d’art dont l’accès est gratuit, mais les boissons sont payantes le soir du vernissage. Un anarchiste habitué de Freedom Bookshop, qui était venu au vernissage via Public Works - The Bridge, ne voulait pas payer sa boisson. Selon lui, cela aurait dû être gratuit pour tout le monde puisque c’était un lieu public. De surcroît, ce projet était devenu aussi le sien. Il a exigé de boire sans payer, de façon musclée. Cela a été refusé par le gérant de la caféteria, et l’homme a exprimé son désaccord violemment. Suite à cela, quelqu’un de la Whitechapel Art Gallery a appelé la police, qui est intervenue le soir du vernissage en bloquant ce pont que j’ai voulu comme un passage, un lien. Dès le premier instant de Public Works - The Bridge, il y avait de la confrontation.

 

FP : Le pont reliait donc un espace associatif politique, une institution culturelle et un espace commercial privé.

 

TH : Oui. La caféteria de la Whitechapel Art Gallery n’est séparée du bâtiment du Freedom Bookshop, librairie anarchiste, que d’une distance de 3,50 m. Faire un lien sur cette courte distance m’a semblé une proposition utopique mais aussi réaliste.

 

FP : Le problème de sécurité du pont, que tu évoques dans la lettre, ne masquait-il pas un autre type de problème, moins facilement exprimable ?

 

TH : Le problème de sécurité, récurrent aujourd’hui dans les institutions artistiques, tenait au ruban adhésif que j’avais utilisé. Je travaille avec le scotch que tout le monde utilise et que tout le monde connaît partout dans le monde, mais qui n’est pas ignifugé. Et qui a donc posé un problème de sécurité à l’institution. C’est à cause de ce problème que j’ai écrit la lettre à Stephen . Mais les problèmes de sécurité révèlent toujours un flottement d’engagement envers l’artiste de la part de l’institution artistique en général, et de la Whitechapel Art Gallery en l’occurrence. Je pense que la galerie avait pris peur après l’incident du vernissage. J’ai donc dû trouver une solution pour que mon travail Public Works - The Bridge reste visible, et le pont, ouvert. J'ai demandé aux gens de Freedom Bookshop ce qu'ils en pensaient. Les militants bénévoles voulaient que Public Works - The Bridge reste ouvert tout au long de la journée et pour toute la durée de l'exposition. C’est leur souhait que j’ai pris en compte. Mais parce que je n’ai pas voulu changer le ruban adhésif pour des raisons artistiques évidentes, il ne restait plus qu’à engager une personne pour la surveillance du pont. C’était à moi de l’assumer car la Whitechapel Art Gallery ne voulait pas le faire.

 

FP : C'est un cas de figure auquel tu avais déjà été confronté ?

 

TH : David Hammons, dont j’admire le travail, a dit : “Le public de l’art contemporain est le pire qui existe. Il est sur-instruit et conservateur, il est là pour critiquer et non pour comprendre, il n’éprouve jamais de plaisir. Pourquoi devrais-je consacrer du temps à travailler pour ce public ? C’est comme de se mettre dans la gueule du loup. De fait, je refuse d’avoir à faire à cette audience, je préfère m’adresser au public de la rue. Il est bien plus humain, et son opinion vient du cœur. Il n’a aucune raison de jouer un rôle ; il n’a rien à gagner ni à perdre”. J’ai fait plus de quarante projets dans l’espace public. Des projets que personne n’a vu, et des projets que beaucoup de gens ont vu. Lorsqu'on travaille dans l’espace public, il y a toujours des situations imprévues, des moments pleins de grâce, parfois conflictuels, et il est normal que l’artiste les assume.

 

FP : Donc, après l'intrusion de la police, tu avais un douanier devant le pont… Par contre, à Paris, où tu as installé au printemps 2001 la pièce Skulptur Sortier Station sous le métro aérien près de la place Stalingrad, j'étais surpris de ne pas voir de dispositif de surveillance.

 

TH : Les policiers londoniens sont partis après discussion, et ils ne sont plus revenus. Mon travail doit être autonome et sa seule défense est d’être une œuvre d’art. À Stalingrad, j’ai pensé que les passants comprendraient qu'il s'agissait d'un projet temporaire, que Skulptur Sortier Station est un projet qui va disparaître à un moment donné, que ce n’est pas une tentative d’intimidation. J’ai pensé qu’on pourrait comprendre qu’il s’agit d’une proposition à laquelle on doit répondre autrement que par la violence. Skulptur Sortier Station était placé dans un lieu de passage où il ne dérange pas et où il ne prend la place de personne. C’est une proposition, ce n’est pas une provocation. Je ne voulais pas d’un gardien de nuit avec un chien. Donc le travail n’était pas surveillé.

 

FP : Cela arrive néanmoins souvent que l'art catalyse une certaine violence, de par son absence de défense, et aussi de par son absence de valeur d'usage, son aspect gratuit et donc futile…

 

TH : Cette violence dont tu parles est avant tout un défouloir vis-à-vis de quelque chose qui peut être ressenti comme une puissance répressive ou normative. Si une violence s’exprimait envers mon travail, je l’accepterais. Cela est déjà arrivé. Mais mon travail ne veut pas s’imposer, mon travail veut exister. Skulptur Sortier Station a existé pendant deux mois à Stalingrad sans subir aucune violence. Je veux pouvoir montrer mon travail partout, dans des galeries commerciales, dans des musées et des institutions, des lieux alternatifs, des endroits privés et aussi dans l’espace public. Dans l’espace public, le travail est visible 24h/24h, 7 jours sur 7, et doit être accessible à tous sans aucune restriction.

 

FP : J'ai aussi apprécié qu'il n'y ait pas un dispositif massif d'information, qui isolerait l'œuvre de son site d'inscription.

 

TH : J’ai évacué toutes les solutions de communication proposées et envisagées : planter un poteau informatif comme un cartel, accrocher des informations sur la sculpture même, peindre un texte au sol, ou accrocher des informations sur les cabines téléphoniques proches. Par contre, il y avait des emplois jeunes de la RATP qui, une fois par jour, distribuaient un document d’information imprimé devant Skulptur Sortier Station. De plus, le service éducatif du Centre Pompidou a fait à Stalingrad un travail important dans le quartier. Des étudiants d’un lycée voisin ont aidé à la construction de l’œuvre, et les élèves d’un collège ont réalisé un film sur cette expérience.

 

FP : Oui, Beaubourg aurait pu en profiter largement pour se féliciter de son audace à sortir du cadre muséal.

 

TH : Beaucoup de gens passaient à côté sans voir le travail, et donc aussi sans faire le lien avec le Centre Pompidou.

 

FP : Cette forme d'indifférence me semble même essentielle dans la relation qui peut se produire entre une œuvre et les gens qui la regardent par hasard, parce qu'elle se trouve sur leur parcours.

 

TH : L'indifférence à laquelle le travail est confronté dans l'espace public est une réaction normale, à attendre et à accepter. Si l’artiste n’est pas prêt à supporter l’indifférence vis-à-vis de son travail dans l’espace public, il vaut mieux pour lui exposer dans les galeries ou les musées, là où les gens vont pour voir de l’art, et là où l’indifférence qu’on porte à l’œuvre, pourtant aussi réelle que celle de la rue, est moins perceptible. Skulptur Sortier Station supporte l’indifférence des gens, ils ont d’autres choses à faire, plus urgentes ou plus importantes…

 

FP : Le protocole avec le Centre Georges Pompidou, qui a fait l'acquisition de Skulptur Sortier Station, implique que cette œuvre ne peut pas être montrée dans le musée.

 

TH : C'est un travail qui doit exister seul sur sa propre orbite, comme un satellite. Il pourrait être construit dans n’importe quel quartier, dans une autre ville, dans un autre pays, mais toujours éloigné du musée. Il ne pourrait pas être montré dans la proche périphérie du musée, comme sur la piazza du Centre Pompidou. J’ai choisi la station de métro Stalingrad pour son nom qui évoque l’Histoire. Et j’avais choisi l’emplacement Stalingrad parce que c’est un lieu près du centre de la ville, et en même temps ouvert vers la périphérie. C’est un lieu frontière, un lieu de passage, un lieu d’énergie. Mais mon choix n’était en aucun cas de choisir un quartier défavorisé comme j’ai pu le lire dans certains commentaires.

 

FP : Est-ce que ce ne serait pas une confrontation plus violente si tu plaçais ce travail, disons, dans le 16e arrondissement par exemple ?

 

TH : Je veux élargir l’audience pour mon travail et je ne veux pas la cibler. Je ne suis pas intéressé à théoriser mon travail en le confrontant à une audience scientifiquement choisie.

 

FP : On t'a décrit récemment dans un article de presse comme un “chef d'entreprise”. C'est un cliché lié à une figure stéréotypée de l'artiste, mais cela soulève néanmoins une question. Est-ce que tu penses que l'art peut être une entreprise ?

 

TH : Non. Je ne suis pas un entrepreneur, mais je peux travailler sur des projets parfois grands qui nécessitent de l’aide, qui nécessitent de l’assistance, qui nécessitent un travail d’équipe. Je travaille avec des assistants non spécialisés, des amis. Tout le monde peut répondre à ma place au téléphone. Ils ne font que ce que je peux faire, et moi je ne fais que ce qu’ils peuvent faire. C’est comme si j’avais huit mains ou seize pieds.

 

FP : L'entreprise signifie la chaîne de production, c'est-à-dire qu'elle instaure une distance entre un point d'origine et sa destination, avec le danger d'une perte de signal possible.

 

TH : Andy Warhol a démythifié cela depuis longtemps avec la Factory. Les questions que je me pose sont : est-ce que je reste lucide et attentif, est-ce que je reste conquérant et déstabilisé, et est-ce que j’ai de l’énergie et de l’engagement pour que mon travail reste mordant ?

 

FP : Tu es un des rares artistes à évoquer souvent la valeur du travail, le temps de travail et la présence de ceux qui le réalisent, à faire de cet aspect une partie intégrante des propositions artistiques que tu réalises…

 

TH : Il peut paraître anachronique en effet que tout mon travail soit “fait main”. Même si des éléments sont très grands, je les agrandis manuellement. Ce qui m’intéresse, c’est l’échelle humaine. Cela compte aussi pour les vidéos intégrées que je fais et que je montre sur des moniteurs. Ce qui m’importe, dans ce cas, est la référence à la télévision que chacun possède et regarde. Je hais le “blow up”. Je veux que soit visible le travail effectué par un être humain. Je veux me dépenser en travaillant. Ce qui m’impressionne, ce sont les objets que font les militants et qu’ils emportent avec eux dans des manifestations, ce sont les chars pour la Gay-Pride, ce sont les éléments fleuris tirés dans la rue par des tracteurs. Ce qui m’impressionne, c’est l’amour et le temps que mettent les gens dans la fabrication des objets, des pancartes. Ceux qui m’impressionnent, ce sont ceux qui travaillent toute l'année à leurs masques et leurs costumes pour le carnaval. Ils mettent leur travail au service de leurs passions, de leur cause et de leur engagement, parfois pour un résultat visible quelques heures seulement. Je voudrais que mon travail soit au moins à leur hauteur.

 

FP : Lier la valeur au travail, comme tu le fais, renvoie à un modèle économique qui semble aujourd'hui définitivement perdu.

 

TH : Oui, du fait de la logique d’entreprise.

 

FP : Et l'art est en première ligne de ce changement de paradigme qui fait que la valeur n'est plus lié au travail, mais au désir et à ses fluctuations.

 

TH : Oui, mais cela ne m’intéresse pas.

 

FP : Mais est-ce contrôlable de dire aujourd'hui que ton œuvre est liée à la valeur du travail qu'elle a nécessité ? Ton œuvre a une cote, tu travailles avec des galeries qui en tiennent compte, j'imagine…

 

TH : Il faut garder la tête froide. Mon travail a la valeur que je lui donne, et il porte la valeur du travail de toutes ces années depuis que je le fais. Pour moi, la valeur de mon travail reste la même, qu’il soit acheté ou pas, qu’il soit accepté ou rejeté. J’aime travailler, j’aime trop faire, j’aime trop travailler, j’aime en faire trop. Et je comprends mal l’attitude qui consiste à montrer qu’on travaille peu, qu’on se retient, qu’on s’économise.

 

FP : Tu ne peux toutefois nier que la production ne se mesure pas en simples termes quantitatifs. Pendant une période, tu te définissais comme un “militant sans cause”. Aujourd'hui, tu parles de mission, de soldat. Quel est l'imaginaire qui sous-tend ces notions, entre le missionnaire et l'infanterie ?

 

TH : Je suis un artiste-travailleur-soldat. C’est-à-dire quelqu’un qui veut aller de l’avant et qui refuse de se plaindre. Je ne suis pas un artiste-aristocrate, un artiste-prince, un artiste-star, un artiste-rêveur, un artiste-poète ni un artiste glamour.

 

FP : Le soldat ne choisit pas sa mission. Cela signifie-t-il que tu t'inscris dans une philosophie du devoir ?

 

TH : Une mission peut être une mission impossible. Je ne crains pas de me battre. Avoir une mission évacue toute idée d’autosatisfaction. Je veux être libre avec ce qui m’est propre.

 

FP : C'est une vision particulièrement romantique du travail de l'artiste.

 

TH : Non. Heiner Müller a écrit un jour : “Les artistes doivent tirer à vue, dans le tas, mais d’abord ils doivent se tirer dessus eux-mêmes”. Je ne veux pas m’épargner. Je ne suis pas un tireur d’élite qui choisit sa cible et qui évite de se tirer dessus.

 

FP : Le soldat est aussi quelqu'un qui ne doute pas.

 

TH : Je me remets en question, mais je ne veux pas pleurnicher, ni m’épancher. Je veux continuer de travailler et je dois travailler. Je suis souvent insatisfait de mon travail. Le sentiment qui me préoccupe, c’est que je n’arriverai jamais à quelque chose d’entièrement satisfaisant. Trop souvent, mon travail n’est pas assez fort, pas assez déterminé, pas assez beau. Mes doutes viennent du résultat de mon travail. Il ne vient pas de la volonté qui me fait faire ce travail, car je ne doute pas de cette volonté. Je n’ai pas peur d'exposer cette volonté, je n’ai pas peur de m’exposer. Je veux qu’on juge mon travail comme je veux juger le travail des autres.

 

FP : Ton travail contient toujours une dimension discursive, donc discutable et critiquable. Il m'arrive souvent de ne pas être d'accord avec telle ou telle partie d'une de tes œuvres…

 

TH : Avec quoi ?

 

FP : Il me semble par exemple que le traitement de l'information tel que tu l'envisages dans tes travaux les plus récents va dans le sens d'une sur-information, qui redouble le constat qu'on peut effectivement faire sur cette question, mais qui ne propose pas d'alternative, qui entérine simplement un état de fait.

 

TH : On me fait souvent cette remarque. Je ne veux pas informer les gens, je veux les sur-informer. Quand j’accroche des livres, des articles tirés d’internet ou des documents, c’est pour apporter l’énergie de leur information, et pas l’information elle-même. Car tous ces livres, extraits et documents ne sont pas là pour être lus sur place. Mais, ce qui est possible, c’est d’en extraire des détails, et surtout de prendre connaissance du fait qu’ils existent. Je tente de proposer suffisamment d’éléments pour que les spectateurs soient en sur-régime. Je veux travailler en sur-régime. Car être en sur-régime permet de ne plus se mentir.

 

FP : À la suite de ce dont nous parlions tout à l'heure, à propos de mission et de soldat, il me semble que ton travail était il y a quelques années davantage sous la forme de questions, et qu'aujourd'hui il est devenu davantage de l'ordre de l'affirmation. Cela a quelque chose de paradoxal vis-à-vis de ce que tu dis de la faiblesse nécessaire de ton travail et de l'art. Au contraire, ton travail est aujourd'hui très fort, très affirmatif, c'est un travail de conviction extrêmement volontaire.

 

TH : Jean-Yves Jouannais a écrit un beau texte sur mon travail dont le titre était “La Stratégie de la faiblesse”. Mais la faiblesse n'est pas une stratégie, c'est quelque chose qu'on subit. Le problème n'est pas de faire un travail faible ou un travail fort. Je n'ai jamais pensé que mon travail était faible en soi ; il parle de la faiblesse, comme il parle de la dépense. Je suis toujours intéressé par l’idée de la faiblesse, mais cette faiblesse, je veux l’utiliser comme une arme. L’art pour moi est un outil. C’est un outil de connaissance du monde, c’est un outil pour la découverte du réel, c’est un outil de l’expérience du temps qui s’écoule. Depuis les séries de travaux telles que Les Plaintifs, les Bêtes, les Politiques, les Fifty-fifty et les Moins dont tu parles, j'ai tenté de développer mon travail, j’ai tenté de passer de la deuxième dimension à la troisième dimension sans penser au volume et sans penser à l’espace. J’ai essayé de travailler sans tomber dans le piège du volume et de l’espace en partant d’une vision bi-dimensionnelle. Ce qui m’intéresse, c’est le temps et le trajet. Ce qui m’intéresse, c’est le plan, les plans. Je reste fidèle au principe du collage, je ne crée pas de nouvelles choses, je juxtapose, je transforme et je relie des choses existantes qu’on ne peut pas relier.

FP : Cela pose aussi la question du style, d'une façon de travailler qui soit reconnaissable immédiatement, de façon presque préexistante au propos d'une pièce spécifique.

 

TH : Le style ne m’intéresse pas. Je ne veux pas faire des formes, je veux donner des formes, je veux prendre des décisions plastiques et j’en porte les responsabilités. Je m’intéresse à une audience non exclusive qui ne s’attarde pas à reconnaître des styles, mais qui juge le travail selon son sens.

 

 


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TROUBLE 1, 2002

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